Le Bruit des Choses qui Tombent [Juan Gabriel Vásquez]
« Pourquoi l’a-t-on tué ? Je ne sais pas. Pourquoi l’a-t-on tué, Antonio ? Je ne sais pas, je ne sais pas. Antonio, pourquoi l’a-t-on tué ? Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas. Ils m’interrogeaient avec insistance et je leur fournissais toujours la même réponse, puis, très vite, il est devenu évident que cette question n’avait pas besoin de réponse : c’était plutôt une lamentation. La nuit où Ricardo Laverde avait été assassiné, seize autres crimes furent perpétrés selon divers modes opératoires dans plusieurs quartiers de la ville. Je garde en mémoire les meurtres de Neftali Gutiérrez, chauffeur de taxi battu à mort à coups de manivelle, et de Jairo Alejandro Niño, mécanicien automobile qui avait reçu neuf coups de machette sur un terrain vague, à l’ouest de Bogota. L’assassinat de Laverde était un meurtre parmi d’autres et il était presque insolent ou prétentieux de croire que nous aurions droit à une réponse. »
Pourquoi l’a-t-on tué ? Imagine la scène. Je suis dans un bar à manier la queue dans tous les sens, une bière à la main. Une deuxième même souvent. Un fidèle camarade, partenaire de billard, ce Ricardo Laverde, un brin secret et mystérieux. On se quitte en cette fin d’après-midi, le soleil déclinant, pour retrouver notre vie familiale. Une pétarade dans la rue, bruit furieux d’une moto, avant les coups de feu. Laverde abattu et moi grièvement blessé. Comme je n’ai jamais mis les pieds à Bogota, Antonio Yammara, la quarantaine, n’a jamais eu à regarder son passé, ni celui de son pays. Il le subit plus qu’il ne le suit mais cet attentat va changer sa perception de l’Histoire.
Deux ans après, le cauchemar reste encore ancré en lui. La peur l’obsède, la folie le guette. Il n’ose sortir, aller à la rencontre des gens, se balader dans la rue sans un frisson. Il avance dans la terreur, à petits pas, son esprit enfoui dans ces quelques secondes où il voit abattre son compagnon de beuverie et de queue. Un coup de téléphone, la fille de Laverde, dont il ignorait l’existence. Ne serait-ce pas là le moment opportun pour se reconstruire, affronter son passé, celui de la Colombie en découvrant qui était réellement Laverde. Et si toute cette histoire ne prenait pas son sens dans le zoo abandonné de Pablo Escobar. Parce qu’en Colombie, l’ombre de Pablo et des narcotrafiquants se cachent dans les esprits de chacun, comme dans les morts et les peurs.
Sais-tu que les animaux du zoo de Don Pablo ont erré plusieurs années dans cet enclos abandonné. Cruel monde que celui d’un nabab de la drogue déchu. Quant aux avions qui tombent, les enregistrements qu’ils décèlent, te permettront peut-être de reprendre cette vie en main qui s’était échappée depuis trop longtemps, depuis ce fameux jour où tu as failli mourir et vu assassiner ton ami Laverde.
« Bon. Vous me direz ce que vous en pensez. Vous voulez boire une bière sur la terrasse ? »
«Le Bruit des Choses qui Tombent », dans le souvenir de l’ombre des narcotrafiquants, un zoo à l’abandon.
Moi je trouve ce titre merveilleux, très poétique.
Elle me renvoie l’image d’un objet délicat qui tombe au ralenti, une chute très longue, et qui fini par se fracasser en mille morceaux.
Je ne sais pas si le titre prend son sens dans l’histoire mais il inspire, attire et ton billet ne fait qu’accroître l’envie d’aller faire un tour en el pueblo del senor Pablo Escobar et me faire payer una cerbeza Cubanisto.
Salud Hombre !
Le titre et la couverture aussi.
tout à fait ça… Sauf pour le ralenti mais je n’en dis pas plus…
Salud Chica !
J’aime beaucoup quand la trame d’un roman s’insère dans l’Histoire, comme ici celle de la Colombie et des narcotrafiquants. Ça me touche encore plus quand l’auteur lui-même est issu du milieu qu’il raconte. Il doit être « terriblement » bien ce livre. Et ce si beau titre, un élan de poésie à travers les horreurs. On voudrait tous avoir écrit un livre qui s’appelle “Le bruit des choses qui tombent”. Tabarnak que c’est beau…
Je ne sais pas s’il est terrible. Il y a eu un creux au milieu de l’histoire, une petite longueur… Alors, je me suis servi une Cubanisto fraîche, et la lecture est revenue avec entrain.
Si j’ai le courage, peut-etre qu’un jour, j’écrirai « Le bruit de la bière qui coule dans son verre ». Mais cela ne sera pas aussi beau, ni aussi poétique
Ton livre me tente après le fléau que je viens de lire….
Un papillon et une bière, il y a de quoi être tenté…
Pose pas trop de questions sur qui l’a tué, le parrain n’aime pas les questions, ni que tu en saches trop…
« à manier la queue dans tous les sens »… serais-tu un branleur ou un hardeur ??
Peu importe ce que je suis, je préfère laisser la queue à la nana qui m’accompagne… Elle y jouera mieux que moi…
Comme quoi le bruit des choses qui tombent peut parfois être agréable…
oui, sauf si c’est une pluie de grenouilles qui tombent… Croa Croa !