Tsubaki [Aki Shimazaki]
Le poids des secrets 1/5
«J’arrivai dans la vallée tôt le soir. Et ce que je vis n’était que carnage. La vallée était couverte de gens gémissant et criant : ‘De l’eau !’ Des enfants hurlaient partout : ‘Maman ! Maman !’ Je trouvais des visages déformés, des corps brûlés ou déjà mort sur la terre. Dans la rivière, des cadavres flottaient en passant devant moi. La vallée de la mort. Elle était pleine d’odeurs mauvaises. Je vomissais constamment.
Dans la rue, je vis un homme sous un toit effondré. Quand on essaya de le secourir en le tirant par la main, son bras se détacha.
Je faillis tomber sur quelqu’un. C’était une femme. La moitié de son visage et de son corps était brûlée. »
Une bombe est lâchée. Nuage noire, cendres brûlantes. Une seconde bombe quelques jours plus tard. Autre nuage, autre poussière incandescente. L’amour, la passion, l’adultère. Deux corps couchés, nus, un enfant illégitime. Et des secrets de famille enterrés, brûlés même, dans le souffle de Nagasaki. Comment arriver à parler sensualité alors que la puanteur de milliers de morts va emplir les pages de ce court roman. Même le parfum des camélias n’arrive pas à m’enlever cette nausée survenant juste après. Après le souffle, lorsque des hommes, des femmes, des enfants, ceux qui n’ont pas été déchiquetés, brûlés, écrasés, soufflés, se retrouvent hébétés face à l’impensable, l’inimaginable. Pourquoi ? Etait-il nécessaire de faire tomber les bombes atomiques sur Hiroshima et sur Nagasaki ?
« Couché derrière elle, il la serra dans ses bras. Il l’embrassa sur la nuque. Il lui caressa les seins. Et lentement, il descendit sa main vers son sexe. Madame Takahashi gémit un peu en ouvrant la bouche. Ses yeux étaient fermés. Cependant, quand il embrassa son sexe, les mains sur ses seins, elle se mit à crier : ‘Arrête ! Arrête !’ Elle saisit la tête de mon père avec ses mains. Il entra en elle. »
Aki Shimazaki, aussi québécoise que japonaise, aussi tabarnak que tsubaki. Des fleurs qui côtoient des morts. La poésie au milieu d’un carnage humain. Des moments de grâce dans ce court roman, premier volet d’une pentalogie, se mêlent à la violence de la guerre. Chaleur des sens, chaleur du souffle. Brûler de passion pour aboutir à brûler son corps. Comme une pénitence. Une histoire d’adultère et de mort. Rédemption, souffrance. A se demander si la bombe n’a pas atterri à cet endroit précis du globe, non pas pour ses civils qui y vivaient, mais pour ce père, ce mari, cet infâme adultérin. Il est coupable, ce traitre. Il ne mérite que la mort. Coupable d’aimer une autre femme en dehors des conventions du mariage. Coupable d’avoir eu un autre enfant, illégitime celui-là. Coupable de manigance et d’arrangement. Il mérite la bombe, la bombe atomique. Triste et sombre univers que ce petit roman qui mêle la grande histoire, celle d’un grand crime, avec la petite histoire, celle d’un petit crime.
« Couverte du manteau, je restais immobile. J’entendais le vent souffler doucement dans les feuilles de bambous. La tranquillité et la paix étaient entre nous et autour de nous. Le temps s’arrêtait.
Je voyais des boutons de camélias, bien tenus par les calices. C’étaient les camélias qui fleurissent en hiver. Dans la campagne près de Tokyo, quand il neigeait, je trouvais les fleurs dans le bois de bambous. Le blanc de la neige, le vert des feuilles de bambous et le rouge des camélias. C’était une beauté sereine et solitaire. »
« Tsubaki », une fleur à Nagasaki.
Participation 4. Adalana et son challenge
le poids des secrets fait boummmmm !!!
une petite explosion et un grand pas vers l’inhumanité.
ça n’a pas l’air joyeux joyeux mais ça a l’air intense, étouffant et percutant.
la littérature japonaise est rarement joyeuse mais il y a de beaux moments de sensualité qui côtoient l’atrocité atomique.
c pas vrai Bibison, elle peut l’être … joyeuse !
J’attends que tu me cites un roman japonais que l’on pourrait qualifier de ‘joyeux’ ! J’en connais des tristes des violents des sexuels des langoureux et des passionnés… mais des joyeux manquent à mon répertoire…
alors là suis sur le cul! Ostie de tabernak !
J vais t’en crisser une !
En attendant, et au lieu d’aller baiser ou de boire une bière, j’attends toujours que tu me sortes des romans japonais JOYEUX !!
Et après je serais peut-être sur le cul moi-aussi.
heyyyy je fais comme Bukowski ! Ca marche en plus lol !!!
sinon commence par histoire de pets !
J’aime beaucoup le ton de ta présentation mais… j’en resterai là !
Tout est dans la représentation, le reste n’etant que littérature.
Je ne teste pas trop la littérature canadienne/japonaise, mais pourquoi pas mélanger les deux et lire ce livre ?
ben il faut tester, émotions garanties !!!
Si j’avais eu une Chambly à ma portée, j’aurais bien tendu le bras pour l’attraper. Ce n’est pas si fréquent de croiser sur le même chemin canadienne et japonaise.
On ne s’attend pas à un tel sujet en voyant cette si douce couverture…
« Coupable d’aimer », sans doute la plus terrible des culpabilités…
Il faut juste espérer qu’une bombe atomique ne tombera pas sur chaque homme coupable d’adultère…
Ce livre m’attend dans ma bibliothèque ainsi que la suite. Mon chardon épineux, ton Camélia ainsi que ton billet, ne font que confirmer cette envie de repartir bientôt dans la littérature japo/canadienne.
Celui-ci m’a l’air beaucoup plus intense en émotion, je redoute un peu mais tellement hâte !
Grand Dieu une bombe atomique car « Coupable d’aimer » !!!!
Heureusement que dans notre civilisation il existe des procédés moins extrémistes avant d’en arriver là !
Tous à l’abri !!!!! lollll
C’est une idée! Et si je continuais avec le tome 2 ?… en restant à l’abri dans mon bunker… penser à faire le plein de bières avant !
Bonjour le Bison, j’espère que tu ne vas pas t’arrêter au premier tome, quatre autres t’attendent et il y aurait pu y en avoir deux ou trois de plus. http://dasola.canalblog.com/archives/2010/05/21/17373489.html Bonne après-midi.
J’ai encore les 2 suivants. Il me manque toujours le 4ème et le 5ème. Mais un jour, je les aurais. Un jour.
patience …
Le billet de Cristina m’a rappelé que je voulais venir depuis un moment ici, comme je n’étais pas chez moi quand tu l’as publié et que j’y tenais..
« Chaleur des sens, chaleur du souffle », le parfum des camélias et un peu de jouissance au milieu des horreurs. La petite mort salvatrice… et coupable? Être coupable d’aimer, la pire des bombes qui t’explose le cœur. J’préfère cent fois ce remords à la lâcheté des hommes, à tous ceux qui jettent des bombes sans éprouver le moindre remord…
Aki Shimazaki, aussi tabarnaquement québécoise que japonaise, l’accent et le débit en moins
le débit en moins… je pourrais peut-être la comprendre sans sous-titres, alors !