The Paris Concert – Edition Two [Bill Evans]
Un peu de douceur dans ce monde de brutes et d’obsédés. Voilà donc mon propos du jour. Ambitieux, certes, mais nul doute que ma peine mérite cette pause. Des notes mélancoliques qui se distillent dans la brume matinale. Le toucher de Bill Evans, sublime. Comme d’habitude, serais-je tenter de souligner. Cette sensation aérienne qui m’emporte. Et cette pochette. Un bassin, deux cygnes, quelques canards et amateurs de pèches. Un bassin d’une longueur de 3 km et des poussières (si, si, j’ai mesuré) en forme de trèfle. Le bonheur, donc. La chance aussi d’être toujours émerveillé par cette musique. « The Paris Concert – Edition Two ». Je reconnais la photographie, Parc de Sceaux. Ce bassin n’a plus de secret pour moi. Par cœur, je le connais par cœur, je vois chaque accélération, je perçois chaque dénivelé, le cœur qui s’emballe, le goutte de sueur sur le front, la pluie qui y tombe finement. Ce bassin, je le parcours depuis des ans à en connaître chaque recoin. Pas pour la pèche, juste des séances de running, de plus en plus intenses – peur de vieillir, certainement. J’y croise mon monde, des filles, des vieux, des vrais sportifs qui me dépassent à cloche-pied, des pies pas farouches et des écureuils curieux. Et parmi ces rencontres éphémères, combien connaissent ce disque de Bill Evans sur leur terrain de jeu favori ?
Assez parlé de moi et de ma sueur. Je te rassure, je ne l’écoute pas pendant que je cours là-bas. Cette musique est trop intime pour ce genre d’activité en plein air. Elle mérite toute mon attention. Elle nécessite une écoute les yeux fermés pour s’imprégner de son odeur, pour imaginer le vieux Bill face à face avec son piano, accompagné de Marc Johnson à la contrebasse et Joe LaBarbera à la batterie. C’était un soir d’automne pour un concert organisé par Radio France. C’était le 26 novembre 1979. Le disque sortira post-mortem, en 1984. Pour le meilleur. Subtiles compositions dédiées à son fils Evan (Evan Evans !) ou à sa compagne Laurie. Beau message d’amour, d’espoir, de tristesse aussi comme la réédition d’un testament pour ses proches. Je frissonne de plaisir, l’un de mes préférés de Bill, l’essence sublimée du trio piano-contrebasse-batterie.
La nuit s’est faite, les volets s’abaissent. Je t’imagine, assise et lascive dans ce large fauteuil en cuir. Tu écoutes, patiemment, religieusement. Le silence intérieur s’est installé pour ne laisser pénétrer que la mélodie du pianiste. Tu te réchauffes ainsi de ces notes de musique. Des compositions de Bill et une de Miles. Tu arrives au bord du bassin, tu me regardes passer, nous échangeons un sourire. Tes yeux plongent de nouveau sur les ébats des canards. Les miens suivent ton regard avant de rejoindre la voie tracée par d’autres, avec l’impression d’avoir partagé un peu de douceur et de mélancolie. La musique s’est arrêtée, tu ouvres les yeux. Le thé est froid maintenant, tu te sers un petit verre de Cognac. Les applaudissements continuent et se mélangent à tes pensées pendant que tu recherches Edition One de cette nuit mémorable.
« The Paris Concert – Edition Two » [1984], nuit musicale au parc de Sceaux.
La poésie, elle est là, Bison, quand tu évoques le trio, forme d’épure du jazz. Je suis certes moins jazz que toi, mais beaucoup plus depuis que je fréquente un certain ranch.
Alors, merci à toi, l’ami, de ta patience et ton assiduité à écouter mes pauvres élucubrations pour un domaine un peu éloigné de ton folk-rock des années soixante.
Il est très sain de s’éloigner un peu parfois. Valable dans tous les domaines. Et puis cela forme un tout, la musique, encore et toujours. A +
D’accord avec toi… Et puis il y a des moments où j’ai plus l’esprit à écrire jazz bien que dans la journée j’ai écouté du folk doucereux ou du rock sauvage…
J’ai connu Bills Evans avec l’album Alone. Pour moi il est un Dieu de l’improvisation. J’adore son phrasé et sa dextérité au clavier. Il y a des morceaux de lui que j’aime plus que tout mais quand il part trop dans le « free style » il me perd un peu, tout simplement parce que je n’ai pas une grande connaissance en jazz.
Un des plus grands précurseurs dans son style.
Très belle photo, très belle ballade au Parc des Sceaux à travers ton billet et bon choix musical …
Nous sommes loin de la vague, de la planche mais toujours des sensations
;D
Mince, je ne crois pas le connaître celui-là. Faut dire qu’il a aussi une discographie impressionnante.
Oui, j’apprécie également sa manière de jouer, ses intonations, ses pauses, ses fougues. Il me parle avec ses touches et je l’écoute, l’écoute. J’aime bien écouter, pas parler.
J’ai découvert en premier Keith Jarrett mais ses récents albums m’ont déçu. N’y trouvant pas la magie et les émotions de ses premiers, c’est à partir de ce moment que je suis aller voir son précurseur. Bill Evans.
Je m’y ballade effectivement deux trois fois par semaine pour courir. Chaque fois que je longe le bassin, je pense à la pochette de ce disque. J’aime Le Parc de Sceaux. Il a quelque chose de particulier. Une sensation, une odeur… peut-être mes gouttes de sueur que je sème là-bas…
Ma musique n’est faite que de sensations…
j’ai découvert Bill Evans il y a 6 mois avec deux albums « Empathy » + « A Simple Matter Of Conviction » … j’en suis tombé amoureux…alors évidemment je note celui-ci tout de suite….Merci !
On tombe facilement amoureux de (sur du) Bill Evans…
Moi, je trouve ça d’un chiant !!!
C’est rien mon p’tit.
C’est la crise de la quarantaine…
Tu verras quand tu auras mon âge