Le Voyage dans le Passé [Stefan Zweig]
« On change mais on reste la même personne. »
Ils se sont aimés. Passionnément. Avec Zweig, les histoires ne changent guère d’un roman à l’autre, d’une gare à l’autre. Tout juste évoluent-elles en fonction de la température politique ou caniculaire de l’époque. Il y est question d’amour, de bourgeoisie, de retrouvailles et de départ. Ils s’aiment comme avant. Avant les menaces et les grands tourments. Ils s’aiment tout hésitants. Découvrant l’amour et découvrant le temps. Encore et toujours. Attends, je vais chercher un mouchoir, toute cette eau de rose a tendance à faire couler mon rimmel façon Marc Bolan. Je suis comme ça, un être de chair, de sang et de sperme qui verse sa petite larme dès qu’il est question d’amour et de passion. Un bison sensible. Mais je ne suis pas là pour m’épancher nu sur ma psychologue, bien que question psychologie, Stefan Zweig sait la coucher sur papier.
« De toutes parts s’élevait le cliquetis des rails de gare de Francfort, toute de fer et de verre vibrants, des sifflets stridents transperçaient le tumulte du hall enfumé, et sur vingt panneaux, une horloge comminatoire indiquait les heures et les minutes, mais lui, au milieu de ce tourbillon humain, hors de l’espace, hors du temps, dans une transe singulière de possession passionnée, n’était sensible qu’à sa seule présence. »
Un train qui entre en gare, un homme qui sort tremblant de son compartiment. Une femme sur un quai. Le sourire au rendez-vous, comme une évidence. De longs jours d’attente, mois, années. Et ces deux êtres qui se retrouvent après une longue séparation. Dans le souvenir de cet amour du passé. Un amour retrouvé ?
Les êtres changent, une longue séparation, de vieilles lettres jaunies par le temps, correspondances enflammées, des cuites au mezcal et des larves avalées pour effacer cette distance, oublier cette guerre qui empêche un allemand amoureux de retraverser l’Atlantique pour retrouver une femme discrète et amoureuse. Mais tous les tonneaux du Mexique ou de Munich, mousse bavaroise ou agave ensoleillé, ne sauront couler ce grand amour d’un autre temps, le temps où l’amour s’écrit sur papier avant que de pénétrer dans un hôtel miteux ou mieux côté.
Je ne sais pas pour toi, mais il y a tant à découvrir de ces rencontres sur un quai de gare. De suivre le visage de belles demoiselles et des beaux messieurs, des souriants et des timides, des yeux qui s’enflamment et d’autres qui pétillent, des bouquets d’edelweiss ou des bouteilles de bières à la main. S’installer sur un banc et regarder les couples se retrouver, s’enlacer, s’embrasser, se coller et se serrer jusqu’à fêler les côtes frêles et menues. C’est si beau l’amour, la passion… Des amours affichés ou des adultères cachés. Pas besoin d’être un Sherlock pour démasquer la légitimité des couples sur un quai de gare mais les mœurs d’un autre temps exigeait d’autres convenances. Et après ce quai de gare… Un hôtel, une chambre, un appartement discret et vide. Oser, se déshabiller et baiser ou se contenter de ce sourire et de cette timidité pour rester dans la passion épistolaire et le souvenir enflammé d’antan.
« Avant qu’ils ne s’en rendent compte, leurs deux corps tremblants s’enflammèrent, et dans un baiser infini ils étanchèrent les heures et les jours innombrables de soif et de désir innomés.
Ce n’est pas lui qui l’avait attirée à lui, ni elle à elle, ils étaient tombés dans les bars bras l’un de l’autre, comme emportés ensemble par une tempête, l’un avec l’autre, l’un dans l’autre plongeant dans un inconnu sans fond, dans lequel sombrer était un évanouissement à la fois suave et brûlant – un sentiment trop longtemps endigué se déchargea, enflammé par le magnétisme du hasard, en une seule seconde. Et ce n’est que peu à peu, lorsque leurs lèvres collées se détachèrent, qu’encore pris de vertige devant le caractère invraisemblable de l’évènement il la regarda dans les yeux, des yeux d’un éclat inconnu derrière leur tendre obscurité. Et c’est là que s’imposa à lui l’idée que cette femme, la bien-aimée, avait dû l’aimer depuis longtemps, depuis des semaines, des mois, des années, tendrement silencieuse, ardemment maternelle, avant qu’une telle heure ne lui ébranlât l’âme. »
« le Voyage dans le Passé », l’amour sur un quai de gare.
Un bien joli billet. J’ai dû lire un roman de Zweig et encore, j’ai des doutes.
Mais oui les quais de gare, de métro sont des lieux de retrouvailles inattendues parfois (expérience personnelle à l’appui ; mais bon, je ne vais pas raconter ma vie).
En tout cas je le note.
Et j’ai vu que tu lisais « Les Assassins » que j’ai reçu la semaine dernière (pas encore commencé pour ma part).
C’est vrai qu’il y a tant à dire sur les quais de gare mais je ne vais pas m’épancher sur ma vie non plus.
Pour « Les Assassins », je commence à peine mais je vois que tout se sait aussi, à force d’épancher ma vie…
Zweig lu par le Bison, ça donne toujours un billet plein de…Bison !
non, ça c’est l’abus de Troussepinète !
» ils étaient tombés dans les bars l’un de l’autre »
Joliiiiiiii ! Un lapsus qui ne m’étonnerait pas venant d’un Bison. Bien joué ! Je m’incline !
Un très beau roman, un quai de gare, un billet, digne d’une photographie de Doisneau.
Laissons-les laissons-les laissons-les Laissons-les s’aimer …
J’ai écrit ça moi ? Ou alors est-ce Zweig. Pourtant, je l’ai lu et relu et ça ne m’a pas choqué… Peut-être qu’ils peuvent tombés et dans les bras et dans les bars
Laissons-les laissons-les laissons-les Laissons-les s’aimer …
Tabarnak, tu connais également tes classiques d’Outre-Atlantique.
Très belle correction, ça me plait !
J’aime bien que tu m’obéisses
Tu es du genre à tenir le fouet ?
je t’en mets un: avec Zweig c’est toujours psycho …logique ou drame
je t’en mets 2: l’amour résiste-t-il au temps?
je t’en mets 3: peut-on aimer une femme qui irradie de trop par rapport à nous-même?
et je t’en mets même 4: l’Histoire peut-elle contrarier un amour impossible et les interdits?
comme quoi un recueil au départ peut faire plus tard un super roman !
et 4 Troussepinètes pour le gars à demi chevelu à demi bouddha.
ouaiiii c’est ca, la tentation ….
comment atteindre la vacuité après !!!
« Ils s’aiment comme des enfants
Comme avant les menaces et les grands tourments
Et si tout doit sauter
S’écrouler sous nos pieds
Laissons-les laissons-les laissons-les
Laissons-les s’aimeeeeeeeeeeeeeeeeeer »………………
À écouter sur un quai de gare, un roman de Zweig à la main et une Maudite dans l’autre, dénichée dans une petite épicerie…
Que les petites épiceries t’écoutent …
Hostie de calisse.
Elle connait même cette chanson…
J’peux même vous la chanter avec l’accent
laisse-nous boire une binouze euhhhh des … avant !
ouf. l’honneur est sauf, j’ai cru que tu allais t’arrêter, bibi, à une seule bibinouze !
euhhh la sagesse devrait en effet ….
mais suis tombe dans l tonneau de Diogene quand j ‘etais petit
alors ….
rue du Trousse Chemise en Foussay Payré(85)
on y boit du vin de Pissote
village d’à côté
on en boit surtout la veille au soir
à boire sans modération et plus on en boit plus on va droit
AF
Là où le vin pousse comme des amours sur des quais de gare,
je m’y sens bien.
Un village à connaitre quitte à en perdre ma chemise.