Since We Met [Bill Evans]
Parce que depuis que nous nous sommes rencontrés, Bill et moi, nous avons fait du chemin. Ensemble et séparément. Bien sûr, entre nous, il y a Keith Jarrett qui peut émouvoir, autant qu’agacé. Et puis ensuite, il y a eu Brad Mehldau, le digne héritier de Bill Evans. Des trios en toute simplicité mais qui bousculent en même temps qu’ils reposent ou chavirent. Je ne peux choisir. C’est comme de me demander de mettre une option sur la blonde, alors que la brune ou la rousse m’attendent. Le choix est cruel, et je prends les trois dans la même soirée, trois bières sinon rien. Mon trio magique à moi, la musique en moins, à part les rots de bibi ou de l’inconnue, cette brune aussi souriante que bandante.
Cette inconnue que je rêve (rêvais) secrètement de retrouver sur une musique de Bill, Brad ou Keith. Ce genre de trio est fait pour les rencontres d’âmes et de cœur, d’âme çoeur même, pour que des sourires s’échangent ou que des mains s’affichent sur des cuisses. Ce disque était le début d’une promesse, d’un homme amoureux de son piano, qui ne sachant parler déclame sa flamme à cette femme, brune épicée ou brune incendiaire, un verre de bière servi sur le comptoir, et dans ses yeux boire. Les notes caressent l’atmosphère, les silences illuminent les regards, moi je caressais ton pubis endormi, et je me taisais.
Pour accompagner Bill, Eddie Gomez joue de la contrebasse et Marty Morell de la batterie, enregistrement live de 1974 au célèbre club de jazz Village Vanguard rebaptisé pour un soir Blue Moon. Je ferme les yeux, et « Since we met », je vois cette femme, des flammes dans les yeux, feux d’artifice qui crépitent sous la lune bleue. Les étoiles dans le ciel, elles brillent encore dans mon cœur. « Round Midnight » aurait swingué le Blue Monk, lui aussi au piano. Je me demande pourquoi je ne suis pas pianiste, j’aurais pu l’emballer, peut-être, avec mes silences entre les notes. « Midnight Moon » reprend Bill en versant un verre de vin dont la lune reflète toute sa beauté. Reflet de l’âme où elle trempe ses lèvres, rouge à lèvres parfum cerise. Un morceau composé par Joe Zawinul, leader des Weather Report. Il faudrait que je te parle de l’album des WR dont un titre particulier bouscule mon âme. J’aurais aimé prendre mon temps, la musique nous a réunis mais le temps m’a perdu. Je t’aurais dit : « Alors ferme les yeux à ton tour, laisse toi bercer par cette musique de Bill Evans, vois-tu le parc de Sceaux comme dans la pochette de son album mythique, The Paris Concert edition two, entends-tu la respiration de ces joggeurs et leurs cœurs qui battent pour une femme sensible à Bill, à Keith, à Brad, à Thelonious, à Joe ». Mais voilà, il est déjà trop tard, et mon cœur pleure ces notes de Bill.
Since We Met
Midnight Moon
« Since We Met » [1976], je n’ai jamais connu de plus grand bonheur que cette rencontre.
THE END